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9ème campagne d'Almeida

Aujourd'hui, nous vous proposons avec un peu de retard, des journaux de marches ainsi que des rapports de notre campagne portugaise. Bonne lecture !

 

Rapport d'artillerie:

Sur le lot de poudre + celle tombée d’la charrette comme on dit ! + 1 100 cartouches confectionnées, 800 tirées ( reste 300 cartouches ), 2 silex changés ainsi qu’1 mordache.

Fred dit Tire-Bourre © Carlos marques

A l’attention du Chef de Bataillon A. Masquelez,

Commandant du 8ème B.O.M.M dit « Bataillon d’Espagne » et du 44ème Équipage de Flottille.

Le 28ème jour d’août de l’an XVIII. Citadelle d’Almeida en Portugal.

Journal de marche du Sergent Tire-Bourre, chef du 1er canon de la 1ère Batterie, 1ère Compagnie du 3ème Régiment du Corps Impérial d’Artillerie de Marine pour la 9ème Campagne en Portugal.

Jeudi 23 : France. Rassemblement de l’élite des troupes impériales. Il s’agit bien-sûr de la 1ère compagnie du 3ème Régiment du Corps Impérial d’Artillerie de Marine. Rendez-vous fixé devant la grande bâtisse bourgeoise à colonnades de marbre blanc de type XVIIe, lieu-dit Le Bourg à Échillais, siège de l’état-major du bataillon. Des chariots sont alignés dans le vaste parc boisé devant la résidence, où se trouvent déjà plusieurs matelots et ouvriers du corps expéditionnaire mixte de Marine. Pas d’canon qui m’avait dit l’vieux commandant, pas d’place pour transporter nos mastodontes et leurs affûts dans les soutes de not’ transport de troupes. J’y ferais bien remarquer qu’il y a quand même 350 bourrins pour nous tirer, c’est dire ! De quoi balader 175 canons comme les nôtres. Disant cela j’imagine, j’bave pas, mais j’rêve tout éveillé! C’est à c’moment qu’le quartier-maître cambusier La Garouille se pointe et qu’mon doux rêve s’efface. Décidément notre vieux ou plutôt Monsieur l’ingénieur connaît bien ses hommes et les formules mathématiques, du genre :

  • 1100 km x 2 – La Garouille = Retraite à pince et on pousse les chariots sur les 500 derniers kms. 350 chevaux.



Vendredi 24 : Grand’route d’Espagne : La nuit fut affreuse, pas de canon… mais du cosaque, plein de cosaques, des cosaques partout, dents pourries, mal coiffés, aux mœurs un peu bizarres. Bref ! Un vrai cauchemar durant deux heures. Réveil dans le charroi, c’est moi ou c’est l’convoi qui va déjà moins vite ? Un coup d’œil au guimbardier qu’est toujours là, tenant les rênes (Ouais ! Je sais, mais on n’est jamais trop prudent, surtout sans mon canon !). Ah ! Un brave gars ce guimbardier, tout comme not’ aide-fourrier Requiem, qu’a les traits tirés, les yeux aussi hagards que rougis, les tympans en sang récitant des prières ou mots presque inaudibles, comme un « mantra » du genre Barbares, Barbarians, tas d’sauvages … ! J’y fais point trop attention, j’parle pas l’portugais moi.


Portugal le 24 : Notre corps expéditionnaire arrive enfin dans les lignes françaises (6ème corps de Ney) qui encerclent la citadelle d’Almeida. Nous laissons les bardas et hardes du contingent dans un dépôt tenu par un gardien portugais à not’ service (Il aime le pineau des Charentes). Tout est calme, trop calme ! Oui je sais… mais il me faut agir, c’est plus fort que moi, j’ai donc conseillé vivement le guimbardier de planquer ses 300 chevaux restants (Eh oui, déjà !), à au moins 15 bornes ou lieues de la citadelle, car not’ cambusier a du flair le bougre, y r’niffle un canasson à 100 toises à la ronde, que le bestiau soit mort ou vif. Nous passons près du troquet l’avant-poste face à la Porte monumentale San Francisco (Porte Saint François pour ceux qui ne comprennent pas le Portugais !). Le bivouac se trouve en première ligne dans un bastion fortifié. Des tentes sont à notre disposition. Une dernière tente de troupe, la « F » du bataillon, devait être montée pour servir de « champ de tir », mais les piquets ont disparu, donc … pas d’tirs ! Bon, on a faim avec ça ! Mais pis encore, on a soif ! Direction la Cantina tenue par des cantiniers locaux. Des Portugais, Espagnols et des Français font la queue pour remplir leurs gamelles à juste prix, faut l’avouer ! Le corps expéditionnaire est composé des ouvriers du 8ème Bataillon d’Espagne, des matelots du 44ème de Flottille, des fifres & tambours de l’arsenal de Rochefort et des voltigeurs du 79ème RI de Niort, sous les ordres de not’chef bien aimé et son adjoint un capitaine de vaisseau des Marins de la Garde, venu tout droit de Belgique. L’intendance du 6ème corps de Ney et les villageois locaux, à notre service, avaient bien fait les choses, et préparé de la bonne pitance sur une place encombrée de troupes diverses de toutes nationalités. On s’ demandait si nous étions les sauveurs ou les envahisseurs de cette Lusitanie alliée des Anglais.


Après les festivités d’usage en l’honneur de l’arrivée de notre corps de réserve, la fatigue se faisant sentir, il fut décidé de rejoindre le bivouac afin de jouir d’un juste repos à 30°C de température sous la tente. Pas de moustique dans ce pays, trop dangereux pour eux ! Mes paupières se ferment doucement, je songe à mon pauv’ canon tout seul dans son dépôt, si loin de moi, son maître. J’ai une larme qui coule jusqu’à mon oreille. Enfin du calme ! Hélas, c’est ce que j’croyais ! La perfide Albion avait mis en place, à l’intérieur de la citadelle, une arme redoutable (Interdite sans doute par les conventions de Genève), SA troupe festive la plus perfide The after corps ou Rokagogo comme ils disent ! Reconnaissable à leurs batteries de tambours de type Duracell BOOM, BOOM, BOOM ! Qui ne s’arrêtent jamais, jamais, jamais, jusqu’au petit matin, et là, Dieu que mon canon me manquait, car avec lui, un seul et doux « BOOM » aurait interrompu cette bacchanale britannique.


Samedi 25 : Almeida. 06H00. Réveil, décongélation, car, dans c’pays désertique, s’il fait très chaud le jour, on se gèle les arpions la nuit. Décrassage et dépouillage, puis on fait mouvement vers la « Cantina Portugaise » du coin. Ce troquet fera bin l’affaire pour nos papilles.


Almeida. 8h30 : Réquisition et fourniture de poudre par le Service des Poudres & Salpêtres de la réserve d’artillerie du corps de Ney. (Oh ! Mon canon ! Oui, j’entends mon brave canon gémir dans le lointain, lui qu’aime tant sniffer l’salpêtre et l’pulvérin en gargousses ! Quel malheur !). En compagnie de mon adjoint, le caporal-armurier Long-Feu, nous encadrons les « volontaires » désignés pour la confection des 1 100 cartouches en plus des 2 208 étuis (vides) qu’on avait en soute, dont 2 008 faites par l’appointé-caporal-aide fourrier Requiem au dépôt de Lorient. ( Ah ! Quel brave type ce gars. Un peu efféminé certes, il a de drôles de manières ! Mais bon, ses cheveux bruns longs et… crépus, son visage juvénilement imberbe, ses yeux en amande couleur noisette, ses pectoraux développés, prouvent bien qu’c’est point un cosaque Tarasboulbesque du Don !).


Almeida. 10h00 : Rassemblement des chefs de corps. J’suis invité par le commandant. Quel honneur ! Afin de tromper les espions anglais, l’état-major général décide de parler en… portugais, voire parfois en espagnol. Curieux ??!! Vache de stratégie pour tromper l’Anglois, que j’me dis ! Y comprendront rien les Rougeots, mais nous non plus les Français ! Accueil sympathique avec un verre d’un bon vieux Porto à la cerise de derrière les fagots et préparation des futurs combats avec croquis sur un tableau noir. Au deuxième godet, v’la que not’ commandant comprend tout, mais répond tout d’même en patois Charento-méridional, sorte de dialecte incompréhensible pour nous aut’ troufions de base. A mon avis, c’est l’effet du deuxième verre de Porto, assez chargé en alcool, qu’a parlé, car l’vieux, y boit que d’l’eau d’source d’habitude.


Almeida. 11h00 : Rassemblement des troupes sur la place d’armes pour la levée des couleurs. Les troupes sont parfaitement alignées et nos fifres & tambours font des merveilles. C’est l’quartier-maître La Garouille qui est chargé de monter le drapeau national. Revenant d’son poste, v’ la ty pas qui reluque l’escadron de Hussards espagnols à not’ service. (Bien entendu les montures, pas les gars !) Descendant l’escalier, distrait ou plutôt rêveur, l’bout qui tenait l’drapeau s’prend dans un d’ses pieds et hop ! Double salto avant avec réception sur une jambe. Tout ça devant l’état-major de la place, médusé ! Un artiste de cirque c’ gars-là ! Retour du détachement au bivouac, musique en tête.


Almeida 12h30 : Repas commun à la Cantina Escola de la division, au-delà de la citadelle, toujours servi par des cantinières portugaises très avenantes d’ailleurs. Une rumeur (Encore une !) dit qu’not’ commandant aurait fait SA première campagne en Portugal dans les années 80, juste avant la prise de la Bastille, et serait revenu avec une charmante Portugaise qui lui aurait donné 3 jeunes drôlesses qui deviendront « cantinières » au service de la France. Hélas, un ouvrier boucher-charcutier du Service des viandes lui aurait piqué la donzelle. L’en aurait pris une aut’ au port de Toulon, mais d’origine belge, surnommée La Tuile. Y mérite bien une 4ème Légion d’Honneur, not’ bon chef.


Almeida. 16h00 : Rassemblement de la division sur le bastion afin de répéter la manœuvre d’attaque de la citadelle prévue tard dans la soirée. Hélas, le colonel Diego commandant le 34ème de ligne s’est emmêlé les pinceaux et a oublié le rendez-vous. Nous profitons de l’occasion pour remettre moult provisions de bouche, du vin et des spiritueux venant de France, à nos hôtes, Portugais et Espagnols du détachement 43ème de ligne en garnison à Malaga au siège de Cadix.


Almeida. 19h00 : Rassemblement des troupes pour la descente des couleurs. Not’ cambusier est toujours là, il semble ravi. Il ne reste que sept hussards avec leurs chevaux, les dix autres sont à pied, tenant dans leurs bras leurs schabraques en peau de mouton. Z’ont l’air inquiets et regardent dans toutes les directions. A mon avis, ils cherchent leurs montures. Faudra vérifier nos gamelles ce soir !


Almeida. 20h00 : L’intendance a encore bien fait les choses. Merci Monsieur le Maréchal Ney, duc d’Elchingen, prince de la Moscowa, etc. etc. Grand banquet près du bivouac, toujours servi par les braves cantinières portugaises dont certaines nommées Ana, Paula, Fatima, Diana et bien d’autres encore, dont j’ferai bien l’siège, si je n’étais pas occuper à faire celui d’Almeida. Mon canon s’il était présent (Qui me manque beaucoup !) les aurait fait tomber comme des mouches à mes pieds. Mais faut rester raisonnable, service, service !


Almeida. 22h00 : Déplacement à la poudrière. Notre approvisionnement de cartouches ayant disparu nous passons en mode commando camouflé (J’sais pas s’que ça veut dire, mais dans l’contexte, j’pense que c’est beau comme mot, et qu’il nous resservira sans doute dans une aut’ guerre, plus tard !). Le caporal Long-Feu et moi-même pénétrons dans la vaste poudrière pour récupérer not’ bien. J’en profite pour confisquer arbitrairement une dose de poudre en tonnelet. Non mais ! J’quitte les lieux en douce, puis l’caporal Long-Feu sort à son tour, un large sourire machiavélique éclaire son visage et il déclame un « Tout va bien, j’ai pris l’assurance habituelle ! ». J’ai rien pipé à sa phrase ! Mais bof, il faut filer !


Almeida. 23h00 : Notre division a reçu l’ordre de prendre d’assaut la Porte nord de la citadelle, dite Porte San Antonio (Ou Saint Antoine pour ceux qui ne connaissent pas le portugais !). Des guérilleros armés de fourches et de piques gardent l’entrée alors que les troupes régulières alliées semblent arriver d’une autre porte. Un escadron de hussards est envoyé pour disperser cette piétaille qui fuit sans combattre. Le canon tonne des remparts, la fumée emplie l’atmosphère, et nos cavaliers reviennent sans perte. Il est décidé de former une colonne d’attaque pour entrer dans la citadelle, précédée de voltigeurs du 79ème de ligne formés en binômes, suivie de deux batteries d’artillerie à pied. La première brigade en tête, dont les grenadiers du 34ème de ligne et fusiliers du 43ème de ligne va former, sitôt sortie de la porte, une ligne sur la droite du dispositif, alors que la seconde brigade de marine (ouvriers et marins) se placera à gauche. Les tirs de canons mêlés à la mousqueterie générale deviennent assourdissants. Nos oreilles bourdonnent. Les lignes adverses sont nombreuses et profondes, on y distingue de l’infanterie de marine, de la ligne et troupes légères anglaises, ainsi que des écossais (Que nous appelons Sans-culotte !) assez robustes comme gars. Sont présents en nombre, des troupes de ligne et tirailleurs portugais et de l’infanterie espagnole, dont des Gardes wallonnes. Bref ! Que du beau monde à ce bal là ! Not’ commandant ordonne aux ouvriers de former des barricades avec des chevaux de frises et autres obstacles pris sur la route. Ils sont couverts par nos troupes légères et une pièce d’artillerie à proximité. Plus loin, nos compagnons du 34ème de ligne semblent aux prises avec bien trop d’ennemis à mon goût. Des quantités de cartouches sont tirées sur les masses compactes adverses, mais sans arrêter leur marche. Un parti d’écossais, dont des sapeurs armés de grosses haches, s’en prend à nos barricades et les dégage comme de simples fétus de paille. Certaines de ces Demoiselles, puisqu’ils portent des jupes !, nous narguent en nous montrant leurs dessous, qu’ils ne portent pas d’ailleurs. Nous tirons dans le tas et bien des bijoux de famille tombent au sol, pleurant la perte de leurs propriétaires. Ah ! Que nenni que j’dis ! Sur le fait, plusieurs de nous aut’ se r’ tournent aussi en montrant leur fessier à cet ennemi en jupette. Un d’nos gars s’est r’trouvé avec deux trous d’balle, à charge au chirurgien-major de r’boucher le bon ! J’constate, en professionnel que j’suis, qu’les artilleurs de la ligne, qui sont sensés nous appuyer, ont sans doute abusé de la Cervesa locale, car ils louperaient une vache dans un vestibule. La preuve en est qu’une ligne complète d’Highlanders hideux des Black Watch, s’avance à 15 pas de distance de nous aut’. Le canon tonne à mitraille. J’me dis qu’avec un coup pareil, tous les « kilts » resteront sur le terrain. Que nenni ! Pas un trou dans l’mur d’écossais. Not’ barricade est prise et reprise, comme à Burgos. Corps à corps sanglants, cris de douleurs et de rage, Sans quartier, sans quartier ! Qu’on gueule tous, et la not’ de Sans-Quartier, qui répond : J’suis là chef !, tout en buttant un Anglais à bout portant. Ces colosses en jupettes et aux sourires carnassiers sont des durs à cuire, rien à voir avec le rosbif standard de la ligne, que j’me dis ! Trois hommes dont un sapeur s’en prennent à notre canon, dont les servants sont au sol. L’commandant m’ordonne de reprendre la pièce. Un ouvrier et moi sautons sur le premier type venu. On a du mal à l’plier tellement l’est costaud l’gars des hautes plaines. Nous parvenons à le mettre à genoux. Le « vieux » me fait signe de lui tenir la tête haute par les cheveux, y s’met en position et il lui décoche un super coup de canne dans la tronche, comme sur un parcours de golf. L’homme s’effondre aussi sec ! On rigole parmi les balles et les baïonnettes. L’commandant gueule enfin : Repli stratégique sur 200 pas ! J’sais pas c’que ça veut dire stratégique, mais j’comprends qu’il faut pas rester là et j’file vers l’arrière. D’autres se sont repliés bien avant nous. Faut l’admettre y sont plus nombreux qu’les cartouches qui restent dans nos gibernes. Nos canons sont presque tous pris, sauf une pièce qui nous couvre sur la gauche. C’est à ce moment là qu’une voix se fait entendre : Tora, tora, tora, banzaï, alea jacta est, nicht in haus lehnen, l’honneu’ est sauf, j’ai sabo’dé le navi’e, et d’autres conneries du même tonneau ! Drôle de propos à cet instant tragique. Vérole ! Que j’dis ! Not’ Long-Feu aurait fêlé sa barrique ! Il m’regarde avec un large sourire et m’fait signe de zyeuter vers le ciel. Une langue de feu s’envole vers les cieux en faisant un long Pfffffffffff ! Un type gueule : Bouchez-vous les oreilles !, suivi du bruit assourdissant d’une explosion gigantesque faisant disparaître les remparts, les canons et l’ennemi qui se trouvaient à proximité. La soute à poudre de la citadelle venait d’sauter. Après un bon quart d’heure de ce qui ressemblait à une éruption volcanique, le caporal canonnier Long-Feu , pour ne pas l’nommer, s’approche et m’dit d’un air penaud : Sergent, j’aurai bien voulu, mais c’est pas moi l’responsable de s’bordel ! Si s’n’est toi, c’est donc ton frère, que j’y réponds ! Y faut que j’trouve le foutu canonnier qu’a fait sauter la place avec tous ses bistrots. Bougre de cochon ! Un tel exploit, ça sent la Jean-Comie à plein nez. Où est donc le Lord-quartier-maître Lapérouse ? Cet acte de bravoure ne pouvant rester sans récompense, une double ration de rhum fut ordonnée par le maréchal Ney. Mais y a plus d’rhum, ni rien d’autres à 100 lieues à la ronde pour boire un canon. On s’contentera d’un breuvage local appelé Mojito complété d’herbe à chat. Mais bon ! On a gagné, mais on attend toujours la solde. Mon canon me manque bien plus qu’les Conchitas du coin !



Almeida (ou ce qu’il en reste). Dimanche 26 : Réveil, décongélation (encore), dépouillage, et… envie de meurtre. Car un noyau d’endurcis de The After Corps rescapés des ruines de la citadelle, continue à mener des actions de guérillas sonores nocturnes jusqu’à l’aube. Avec le jour et l’épuisement, les bruits cessent (Z’ont du les tuer jusqu’au dernier !). On a faim et faisons mouvement vers les restes d’un troquet, pour y prendre not’ jus d’chaussettes avec du pain brûlé, et restituer les couvertures réquisitionnées la veille.


Almeida. 10h30 : Rassemblement pour la levée des couleurs sur la place d’armes. Toutes les troupes sont présentes, toutes ? Non ! Où sont passés les sept derniers chevaux des hussards présents la veille ? J’ai point vu La Garouille au combat d’hier soir ! Bon Diou ! Est-ce que 15 lieues c’était suffisant pour cacher nos bêtes ? Pas le temps d’soumettre l’cambusier à la Question. L’commandant nous informe qu’un général anglais nommé, dit-on, « Lord Vilainjeton* » arrive avec de nombreux renforts alliés.

*Il s’agit de Lord Wellington, mais on n’sait pas écrire l’anglais nous aut’.


La Porte sud, dite de San Francisco (Nota : Porte Saint François pour ceux qui ne comprennent pas le portugais) est prise par surprise par une avant garde. Les alliés s’installent dans la partie intacte de la place. Notre division, contournant la citadelle se place devant la porte monumentale défendue par une flopée de soldats alliés, des canons et quelques moines fanatiques en robes de bure, armés comme des croiseurs et tenant en mains des armes de concours. Ils n’ressemblent pas aux moinillons de nos campagnes, ces suppos d’Satan. Les premiers tirs de mousqueterie provenant des remparts et des bastions font quelques pertes dans nos rangs. Les pièces de siège sont installées de chaque côté de la route pavée, et doivent détruire les canons adverses. Une de nos pièces chargée à double charge doit détruire la première porte. Notre artillerie est la première à engager le combat, sans guère plus de résultats que la veille, car le boulet coupe net… le mât du drapeau au-dessus de la porte. (Que mon canon me manque, nom de Dieu ! L’aurait pas raté son coup lui !). Notre division se forme en deux brigades, réparties de chaque côté de la route menant à la porte. Les voltigeurs et matelots de flottille, en tirailleurs, canardent tous ceux qui lèvent la tête en face. Les grenadiers du 34ème, suivis des ouvriers, puis des fusiliers du 43ème se forment en colonne par six, face à la porte. Dès qu’elle sera tombée, tous chargeront à la baïonnette et s’engouffreront dans la citadelle. Un peu plus tard, les alliés tentent une sortie, mais sont fortement repoussés. Plusieurs tombent du pont et se fracassent sur le sol (Y a pas d’eau dans l’fossé !). Nous tirons sans cesse dans le tas. Écossais, fusiliers anglais, portugais et espagnols font masse, mais refluent lentement. Leurs renforts ne peuvent avancer et se forment en ligne au-delà de la porte intérieure. Enfin ! Le bouchon saute, si j’puis dire ! Les alliés sont repoussés avec fracas et tombent les uns sur les aut’ sous les balles de leurs propres compagnons. La ligne française se forme face à celle des alliés, une salve dévastatrice abat les premiers rangs, puis nous croisons la baïonnette près à finir le banquet à la fourchette. Deux officiers portugais se détachent et acceptent de cesser le combat. Not’ commandant, suivi du colonel Don Diégo du 34ème de ligne, saluent respectueusement l’ennemi vaincu, prennent puis rendent leur sabre aux officiers portugais. L’honneur est sauf pour tout le monde. Fin du siège d’Almeida.


Nota : En douce, un officier portugais me glisse dans l’oreille qu’ils essayeront de reprendre la place l’année prochaine. A voir ! Puisque pour nous aut’ marins, c’est à 9ème fois que nous prenons Almeida.


La paix est revenue. Les morts se relèvent grâce aux pouvoirs magiques extraordinaires de notre Lumière Céleste. Notre camarade Mieux-Vaut-Tard usa, en son temps, des faveurs de not’ Bon chef, auprès de M. Saint Pierre De Toulahaut, noble portier des cieux.


Almeida. 13h00 : Descente des couleurs dans les ruines de la citadelle. Le maire, son conseil municipal, les autorités locales et militaires sont présentent. Nos fifres & tambours jouent les hymnes de chacune des nations belligérantes. La Marseillaise se fit entendre au-delà des remparts. Les hussards ont disparu, ils négocieraient, parait-il, avec des paysans portugais, bœufs, vaches, boucs, voire poulets d’grain qu’ils attelleront à des vieilles chariotes de prise pour rentrer en France. Puis enfin, captations des dommages de guerre sous forme de cartons de vins venant des caves d’Almeida. On ignore ce qu’est devenu le trésor. Le maréchal Masséna qu’était présent à ce siège, s’est fait porter pâle avec sa Poule de maîtresse, et serait parti subitement avec un convoi de chariots. Ben elle est où la solde ? Qu’il dit l’commandant ! Toute la troupe le regarde avec suspicion, car c’est lui qui devait faire la distribution. Les bassinets se remplissent de poudre, des baguettes s’agitent dans les canons d’fusils. Not’ Lumière Céleste, se rendant compte de la situation, file droit vers le maire d’Almeida et demande l’asile politique, qui c’te fois est accepté. Ah le lâche, le traitre… et nous aut’ alors, que j’dis tout haut ? On n’a pas envie d’retourner dans not’biau pays, déjà occupé par un nouveau souverain avide de nos sous, sans doute d’origine écossaise nommé Mac-Kron 1er, roi des K. Bref ! On pardonne à not’ bon chef, car c’est l’bandit d’Masséna qu’à mis la main sur l’argenterie et l’or des églises du coin, pour couvrir ses faux-frais d’route qu’il a dit, car ici, l’fourrage (avec les taxes), c’est plus cher qu’chez nous en France. Mais nous aut’ on s’en fout !


Almeida. 13h30 : Repas d’adieux à la cambuse du dépôt « Escola ». Nous aut’ on s’tape des tapas dans l’seul troquet qui reste, Faut varier un peu !


Almeida. 15h00 : Préparation du départ. Mon pauv’ canon semble m’appeler, je sens en moi comme une vibration, ça doit être en PCV !


Almeida. 16h00 : Pas de chariot en vue. L’inquiétude s’installe. En plus des chevaux des hussards, notre horrible carnassier d’cambusier aurait-il trouvé nos 300 bêtes restées à la frontière. Finalement, nous voyons arriver les… 200 chevaux restants (Non ! Ne dites rien, je sais ! Mais comment diable a-t-il fait pour les trouver ?). J’constate enfin que not’ commandant a changé d’uniforme, le kaki a remplacé l’bleu marine et en plus il porte des babouches et s’croit déjà aux barbaresques, pour sûr !


Me faisant le porte parole des soldats de marine du Garde Chauvin, j’tiens à remercier chaleureusement nos amis reconstituteurs portugais et espagnols, le Musée militaire, la municipalité d’Almeida et ses infatigables employé(e)s, les patrons des troquets du coin, l’aubergiste de l’Avant-Garde, ainsi que l’ensemble de la population d’Almeida pour leur accueil et leur gentillesse sans borne pour nous autres anciens ennemis et amis fidèles d'aujourd’hui.


Sans oublier nos propres cantinières qui, sous la mitraille, donnèrent de l’eau minérale à volonté aux soldats assoiffées, et enfin au capitaine de Vaisseau des Marins de la Garde, qui, grand seigneur, ramassa les cadavres ou restes de bouteilles d’eau laissés sur le terrain.


Veuillez trouver ici, Mon Commandant (Chéri !), la fin de mon rapport extrait du journal de marche de la 1ère Cie du 3ème Régiment d’Artillerie de Marine.

Viva Portugal

Viva Almeida

Vive l’Empereur

Vive Nous, à bas eux !

Sergent Fred dit “Tire Bourre

ancre de marine

Écrit : Fred dit "Tire-bourre"

Modifié : Daniel dit "Lumière Céleste"

Corrigé : La Royale et Main Gauche

 

Le 28ème jour d’août de l’an XVIII. Citadelle d’Almeida en Portugal.


Journal de marche de l’Ouvrier de 1ère classe, appointé caporal Mieux-Vaut-Tard, 1ère escouade, 1ère section, 2ème compagnie du 8ème Bataillon d’Ouvriers Militaires de la Marine.

Document réalisé à la place du Sous lieutenant Le Rétas indisponible actuellement, vu qu’il est au 4ème dépôt des Conscrits réfractaires à St Martin sur l’Ile de Ré. La section a voté à l’unanimité pour moi étant le plus lettré de tous.




Jeudi 23 : France. Départ du port de La-Flotte-en-Ré avec le Lord-quartier-maître La Pérouse. Le Sous lieutenant nous regarde partir les larmes zauzieux* (NDLC *Larmes aux yeux). Première halte chez les lavandières afin que mon camarade récupère ses effets. Son pantalon de route est comme qui dirait « mort », nous envisageons de le jeter à la mer avec les honneurs. Son propriétaire s’y refuse, l’est trop attaché à son chiffon, qu’il dit ! Nous quittons l’île embarquant sur un chasse-marée en compagnie d’autres passagers. Au loin à l’horizon on distingue les voiles de la croisière anglaise qui contrôle la rade des Basques. Une fois sur le continent nous faisons une seconde halte au dépôt des canonniers gardes-côtes de Mireuil. Notre camarade La Pérouse a l’habitude bizarre de semer ses effets dans les deux Charentes, comme les chiens pissent sur les arbres afin de marquer leur passage ! Nous reprenons la grand’route nationale en direction de l’arsenal de Rochefort. Nous passons le bac à Matrou, près de la batterie côtière du même nom, puis rejoignons le lieu-dit Le Bourg à Échillais, siège de l’état-major du bataillon. Néanmoins, nous faisons une troisième halte dans une auberge « Aux trois ploucs » pour déjeuner d’une semelle de chaussure trop cuite et d’un verre de vin d’messe. On nous servirait, paraît il, de la viande de bœuf, qui nous aurait changé du « porc équin » de La Garouille ! On reste sur not’faim !


Nous arrivons sur les coups de 13 h 00 (soit 1 heure de l’après midi à l’époque, pour ceux qui savent pas lire l’heure sur une montre à gousset) chez le Commandant. Sa grande demeure à colonne nous épate toujours autant. Il doit toucher une forte solde le « Vieux ». Nous titillons la clochette à l’entrée (Ding ding, 2 fois) de la demeure cossue et entrons sans attendre la réponse du planton, qui n’est autre que Le Cadet qui s’prend la porte en pleine poire (Très douloureux !). Par expérience, nous savons que la veille d’un départ en campagne, inutile d’attendre des amabilités. A l’intérieur nous retrouvons quelques camarades : Requiem, Long Feu, Le Trusquin et enfin Le Cadet (Qu’on appelle en douce L’Intriguant devrions nous dire… son ambition étant disproportionnée par rapport à sont état de jeune conscrit), d’ailleurs il tourne en rond dans le parc se tenant le visage et gueulant Help me, help me ! Sorte de dialecte étranger qui voudrait dire « au secours ou aidez moi ! ». Requiem envisage d’achever ses souffrances en tirant de la fenêtre. Non qui dit l’commandant, faudrait l’enterrer sur place, il y a des voisins qui pourraient s’plaindre aux gendarmes !

Le cambusier étant absent, c’est notre hôte (Le commandant) qui sert les gamelles. Le feu s’agite à l’office, il a voulu préparer une spécialité italienne dite Pizza, je crois, qu’il aurait apprise à l’arsenal de la Spezzia, près de Venise. Il s’agit d’un mélange de morceaux de poulet, de fromage, de rondelles de saucisson et de sauce tomate, le tout étalé sur un genre de fouée de grande taille. Le four à bois ne chauffe pas très fort. La cuisson semble insuffisante et le bazar à l’air de fondre à travers la grille et ressemble plus au visage d’une vieille rombière des Pyrénées, qu’à une galette vendéenne, ça cooouuuuule. Le Chef, il a pour sûr, de la culture générale et militaire en particulier, mais question boustifaille l’est plus habile à table qu’aux fourneaux. On veut bien mourir pour lui et la France, mais pas en bouffant d’la bouse. Long Feu, canonnier d’marine de son état, intervient comme un Sapeurs pompiste et saute sur la grille dégoulinante de fromage fondu. Il sauve in extremis not’ repas qu’est d’venue une mixture indéfinissable. Bel exploit pour un artilleur ! On mange quand même le coulant truc !


A compter de 17 h 00 (5 heures de l’après midi pour les initiés qui savent lire un cadran solaire), les camarades matelots et Ouvriers arrivent au fur et à mesure.


Vers 20 h 00 (8 heures du soir bla bla etc.) nous nous dirigeons vers le grand parc dit de l’Europe afin de charger les fourgons du Train des équipages. Nous sommes fort impressionnés par les 350 chevaux qui doivent tracter l’ensemble. Un frisson nous parcourt instantanément lorsque le quartier maître cambusier La Garouille arrive avec un sourire non dissimulé en dansant comme un sioux un soir de pleine lune, il dit qu’on r’vienda à pince d’Lusitanie en Portugal ! (J’connais pas ce bled, car nous aut’ on va siéger à Almeida !)



Vendredi 24 : (pas d’heure, j’vois pas l’cadran solaire car il fait encore noir.). Grand’route vers l’Espagne : Nous passons les Pyrénées. Les Vaches Espagnoles (NDLC : Basques Espagnols) nous foutent la paix. Cependant, en cours de route, durant notre premier sommeil, nous sommes harcelés par un fort parti de Cosaques (Sales, mal coiffés, mal habillés, pouilleux et … bavards avec ça) durant près de 2 heures (Là, c’est pas l’heure mais la durée d’l’action). Des grandes steppes de la Russie à l’Espagne, il y a de la distance. Leur ingénieur géographe qu’ils surnomment GPS à du s’gourer dans ces cartes routières. Le Sergent Tire-Bourre enrage de ne point avoir son canon. C’est vrai qu’un bon tir à mitrailles nous aurait évité quelques désagréments visuels. Car ils ont des mœurs bizarres ces sauvages, ils mettent un temps fou à mourir, tant sous les balles, le canon, le crochet de boucher, le four à bois (ou à granulés), voire le support à cercueil sous terre. Le pis de tout ça est qu’ils causent, ils causent ! Ils bavardent tout le temps, même morts ils continuent de jacter ! Nous finissons avec des acouphènes aux oreilles, mais victorieux. Seuls not’Lord Lapérouse apprécie ce dialecte slave et gueule tout seul des hourrrâââ hourrrâââ ! Ta gueule le Jeancomien ! Qu’on lui dit. Et l’autre La Garouille est ravi de voir tous ces chevaux galoper, son visage s’illumine dans le noir chaque fois qu’un bourrin passe devant lui. Puis, le silence revenu, nous sombrons alors dans un sommeil bien mérité au son du pas des chevaux, Clop, clop, clop, ou Cataclop, cataclop lorsqu’ils galopent !


Vendredi 24 : Portugal. (j’vois pas encore l’heure à mon cadran solaire portable, car il n’y a pas encore d’ombre à c’t’heure matinale, mais bon Dieu qu’j’ai mal au poignet. Quel est l’andouille qui m’a dit qu’en y plantant un clou on pouvait voir l’heure, faut du soleil pour ça ?) Nous rejoignons le 6ème Corps de Ney en seulement 15 heures de route, et 25 chevaux (Sur les 350 du début) épuisés qui sont laissés en arrière. Not’ Cambusier humain et aimant les animaux, s’est porté volontaire pour les ramener. Sous quelle forme ? On s’doute ! Un exploit de plus pour le 8ème BOMM ! Nous prenons nos quartiers au bivouac, soit en première ligne du côté français bien entendu, car nous sommes des braves. Nous repérons immédiatement le troquet dit d’l’Avant-poste situé devant la Porte Saint François. Les tentes sont montées dans un bastion fortifié couvert de canons pris aux Portugais. La soif, et un peu la faim, nous tenaillant, nous filons droit dans la cantina. Les locaux sont accueillants, la pitance aussi. On nous sert un petit vin blanc pétillant fort rafraîchissant. Le matelot Pleine-Lune commande plusieurs bouteilles de ce nectar ennemi. La peur du Manque, sans doute, dans c’pays désertique de la soif !


En fin d’après-midi vers 7 heures du soir (Heure Portugaise) (Moi, j’ai plus d’heure, un pansage remplace la pointe de mon cadran solaire portable). Nous nous rendons à la cérémonie d’usage pour saluer l’arrivée de notre corps de réserve. Suite à cela, avec quelques camarades nous explorons le bastion et découvrons un autre troquet fort sympathique dont la cantinière est très (très) accueillante. Après cette escale, nous allons au rassemblement pour dîner, comme on dit chez les noblions. Là encore, l’accueil des portugais(es) est incroyable. Le commandant dit d’eux que ce sont des autochtones. Ce doit être du Portugais, car je ne sais pas ce que ça veut dire, mais ça doit être un sacré compliment parce que le mot est compliqué et surtout parce qu’il « Le Vieux » jette des coups d’œil insistants mais furtifs sur la croupe incendiaire des dames du pays. Après le repas nous faisons une nouvelle escale dans un autre cabaret. Ils ont une spécialité, Le Mojito. Ce serait, d’après l’sergent Tire Bourre, à base d’herbes à chat, car le serveur en coupe près du sol, avant d’les mettre dans nos verres. C’est diablement bon ! Pleine-Lune semble particulièrement apprécier ce breuvage et la générosité de la cantinière ! Je confesse (NDLC : En un seul mot), partager son appréciation. Harassés, nous finissons par rentrer au camp et nous coucher sur nos paillasses. Certains de nos camarades se retrouvent trop chargés pour retrouver leur tente et dorment à la belle étoile. En gentilhomme, je tairai le nom réel de ces individus, dits Le Gênois, Lapérouse, et Le Trusquin afin qu’ils conservent l’anonymat et l’honneur de la Marine Impériale. Le matelot Sans-Quartier a eu quelques difficultés à trouver l’entrée de sa tente et a fini par s’endormir devant, mais dehors. En dedans de la tente, Long Feu, Requiem et moi-même (Le plus sobre) avons dormi du sommeil du juste, qui ne sera troublé que par l’entrée de Sans Quartier qui, un peu dégrisé et surtout gelé comme un glaçon d’la Bérézina, a fini par trouver, par tâtonnement sporadique, l’entrée de la tente. Par contre, il faut croire qu’il lui restait quelques vapeurs d’alcool dans les naseaux, car il a confondu ma barbe rutilante rousse avec un paillasson…



Samedi 25 : Almeida. 6 h 00 (Soit 6 heures du matin à l’horloge de l’église qu’a fait 6 fois Dong Dong au son des cloches Portugaises). Réveil, décongélation. Ce pays est étrange, il fait chaud le jour comme dans un four (A chaleur tournante) alors que la nuit il gèle à pierre fendre, d’où l’expression Les cons gèlent ! Foutu pays !


Samedi 25 : Almeida. 8 h 30. (Soit 8 heures + 30 minutes du matin Bla Bla) Réquisition et fourniture de poudre par le Service des Poudres & Salpêtres de la réserve d’artillerie du corps de Ney. (J'ai lu la note du sergent Tire-Bourre à cet effet). Confection des 1 100 cartouches en plus des 2 208 étuis (vides) qu’on avait en soute, dont 2 008 faites par l’appointé-caporal-aide fourrier Requiem au dépôt de Lorient. Il est fou ce type mais c’est comme ça que nous l’apprécions malgré des manières un peu étranges, et que penser de son poitrail difforme velu…


Samedi 25 : Almeida. 11 h 00 (Sans commentaire). Suivant les notes prises par not’ sergent, que j’recopie hardiment par-dessus ses larges épaules. « Rassemblement des troupes sur la place d’armes pour la levée des couleurs. Les troupes sont parfaitement alignées et nos fifres & tambours font des merveilles. C’est l’quartier-maître La Garouille qu’est chargé de monter le drapeau national. Revenant d’son poste, v’ la ty pas qui reluque l’escadron de Hussards espagnols à not’ service. (Bien entendu les montures, pas les gars !). Descendant l’escalier, distrait ou plutôt rêveur, l’bout qui tenait l’drapeau s’prend dans un d’ses pieds et hop ! Double salto avant avec réception sur une jambe. Tout ça devant l’état-major de la place, médusé ! Un artiste de cirque ce gars-là ! Retour du détachement au bivouac, musique en tête ». J’ai tout pompé et l’a rien vu l’galonné.


Samedi 25 : Almeida. 12 h 30 (Midi + 30 minutes, heure Portugaise). L’heure de l’ordinaire. Nous décidons avec quelques-uns de l’améliorer en allant piller une auberge locale. Les Portugais, toujours aussi autochtones, nous accueillent avec plaisir (Z’ont pas l’choix c’est nous l’occupant !). Nous faisons bombance et c’est l’estomac plein que nous regagnons le bivouac. Entre la chaleur, le manger et le boire, une sieste s’impose à nous, et l’chef n’est point là !


Samedi 25 : Almeida. 16 h 00 (Midi + 6 heures, tout cela devient compliqué sans montre !). Rassemblement de la division sur le bastion afin de répéter la manœuvre d’attaque de la citadelle, prévue tard dans la soirée. J’repompe dans les papiers du sergent ! « Hélas, le colonel Diego commandant le 34ème de ligne s’est emmêlé les pinceaux et a oublié le rendez-vous. Nous profitons de l’occasion pour remettre moult provisions de bouche, du vin et des spiritueux venant de France, à nos hôtes, Portugais et Espagnols du détachement 43ème de ligne en garnison à Malaga au siège de Cadix ».

Note à moi-même : Faudrait que j’donne mon rapport avant celui du sergent, sinon j’suis cuit et recuit comme un cosaque au four.


Samedi 25 : Almeida. 19 h 00 (7 heures du soir en heure locale) : Rassemblement des troupes pour la descente des couleurs. Pendant la cérémonie nous observons la faune locale avec une attention digne des plus grands naturalistes, sauf ceux et celles qui portent des fourches et autres objets contondants à notre intention. Chez nous en France c’est l’intention qui compte pour nos dames, pas le geste d’offrir, espérons que chez nos ennemis c’est pareil.


Samedi 25 : Almeida. 20 h 00 (8 heures du soir en heure locale): Grand banquet près du bivouac, toujours servi par les braves cantinières Portugaises. Un Espagnol un vrai, (Pas l’ouvrier Cataluna qui lui est Catalan, presque Français depuis l’occupation de sa province par Suchet), avec de forts problèmes de vue et des mœurs Anglaises, voire Grecques a commencé à faire la cour à not’ Sans Quartier. Quelle erreur ! J’ai jamais vu un type se faire disperser ou jeter à cette vitesse, il tourne encore aujourd’hui sur une orbite lunaire, pauv’gars !


Samedi 25 : Almeida. 22 h 00 (10 heure du soir …). Approvisionnement en cartouche. Nous y sommes. Les sourires s’effacent de nos visages. Pendant que l’Intriguant-Cadet retourne aux latrines pour la troisième fois, son pantalon de route est devenu jaune devant et marron derrière, curieux camouflage ! L’a décidé d’l’ouvrir au couteau du devant jusqu’à l’arrière, histoire de se soulager sur le champ de bataille sans s’défroquer. Nous nous équipons rapidement. Les gestes sont devenus des automatismes. Nous nous passons en revue les uns les autres, vérifiant nos baudriers et nos armes. Rien n’est laissé au hasard.


Samedi 25 : Almeida. 23 h 00 (11 heures du soir …). Là, j’ai pompé le journal de marche du commandant, pendant qu’il compte fleurette à une charmante Portugaise nommée Ana. « Notre division a reçu l’ordre de prendre d’assaut la porte nord de la citadelle, dite Porte Saint Antoine. Nous formons une colonne d’attaque pour entrer dans la citadelle. Devant nous, les voltigeurs du 79ème de ligne. Plus loin, il y a les grenadiers du 34ème de ligne et les fusiliers du 43ème de ligne ».


Les canons canonnent, les fusils fusillent, les tambours tambourinent et nos coucouniettes castagnettent. La cacophonie de la guerre, quoi ! La première fois c’est tellement abrutissant que l’on devient une sorte de mort vivant. Le Cadet en fait le dur apprentissage, certains l’appellent Dragéfuka du nom d’un chinois proche de Confucius qui laissait toujours des trainées jaunes sur son passage. Le pantalon de notre camarade passe au marron clair. Sûr que c’est l’alimentation qui fait défaut !

Nous recevons l’ordre de notre Commandant chéri (c’est pas moi qui dit ça, c’est sur les notes de not’sergent Tire Bourre qui veut passer lieutenant) de former des barricades avec des chevaux de frises et tous ce qui nous tombent sous la main. Pendant la manœuvre nous sommes couverts par le 44ème de flottille et une pièce d’artillerie dont chaque tir nous broie les tympans. L’exercice remet des couleurs au jeune Cadet et donne de l’élan à nous autres. Lorsqu’il avance, l’ennemi recule, est-ce l’odeur ou son fusil ? Au loin, le 34ème se fait sévèrement accrocher. Quitte à mourir, j’préfère que ce soit eux en premier.


Nous sommes en position, derrière nos barricades, croisant la baïonnette, L’ennemi s’avance prêt à mourir sous nos coups ou inversement, ce qui n’est pas cool ! Si nous nous sentons, dans un premier temps, en position de force derrière nos obstacles, On s’rend très vite compte que nous sommes en infériorité numérique. (C’est l’commandant qui cause comme ça, moi j’fais que répéter ses mots). Dès que nous en descendons un, dix autres arrivent pour le remplacer. Face au nombre, nous nous replions pied à pied sur une nouvelle position. Nous faisons face à une unité d’homme en jupe. Narquoisement, ils nous ont montré leurs fesses nues alors nous leur avons rendu la pareille. Cela devient une affaire étrange que cette guerre à culs tournés, presque en dentelles, manquerait plus qu’ça ! Des marins avec des pectoraux démesurés, des hommes en jupette, des chefs avec des plumes… on s’y perdrait !


Sur notre droite le canon est toujours là. Les écossais dit Hommes-filles s’approchent. Avec le caporal Trusquin nous sourions. Pas un ne va s’en relever, la mitraille va les hacher menu. Le canon tonne. La fumée se disperse. Nom d’une Lumière-Céleste ! Pas un faux pli sur leurs kilts à carreaux vert et bleu, (Donc faute de goût dans les couleurs !) Nos sourires s’effacent, va falloir régler cette histoire à la baïonnette. Tout le monde est sur la brèche. Impossible de savoir qui tient la position dans ce chaos. Nous marchons sur les morts et les blessés (Aïe ! Ouille ! Fait gaffe Putain ! Merde, regarde où tu mets les pieds, bouffeur de grenouilles !). L’affaire est affreuse. Les artilleurs se sont fait déborder et le Commandant envoie quelques-uns d’entres nous reprendre la pièce. Le Sergent Tire-Bourre est immédiatement volontaire pour sauver un canon (Espèce en voie d’extinction sur ce terrain), un réflexe de professionnel, il n’aime pas le gaspillage.


Tout à coup l’ordre du Vieux tombe : « Repli stratégique sur 200 pas ! ». Le chef est un grand stratège, il vient d’inventer le repli stratégique. Nous sommes admiratifs de son art de la guerre. Il a dû être élevé auprès du Patron à l’école d’artillerie de Metz. Une fois la ligne reformée nous constatons que les Ecossais/Filles sont en force et que nos gibernes sont quasiment vides. Dommage. Cette fois-ci je n’ai pas de quoi m’arranger et de négocier l’bout d’gras avec le portier Saint-Pierre de Toulahaut…


Un bruit assourdissant nous écrase tout à coup. Une formidable explosion déchire la nuit, on y voit comme en pleine journée. Le sol tremble tellement que nous nous retrouvons par terre. C’est pire qu’en pleine tempête au milieu de l’océan sur une coquille de noix. Je réalise aussi que cette explosion ne s’arrête pas. Le magasin à poudre de la citadelle vient de sauter. Nos regards se tournent spontanément vers Long Feu. Celui-ci se fend d’un plaintif « c’est pas moi chef ! ». Tout l’monde l’a entendu ! Une rumeur commence à courir dans les rangs sur une intervention Jean-cômienne… Faire tout péter par accident, c’est dans ses cordes.


La victoire a un goût amer. La citadelle ayant été rayée de la carte, il n’y a plus d’endroit ou étancher notre soif. Seul un stock de mojito et une paire d’espadrille à ma taille (il n’y a plus de bout) semblent avoir survécue. L’un pour soulager notre soif, l’autre pour mes pieds douloureux.


Avec le caporal Trusquin nous sommes de garde au camp. Le Cadet est venu nous relever sur le bivouac enroulé dans sa couverture, à l’intérieur de sa tente, tout en fermant les yeux et en ronflant. Une garde statique quoi ! C’est une technique charentaise selon lui, fermer les yeux et garder ses sens en alerte. Nous retrouvons nos compagnons dans la dernière taverne du bled.



Dimanche 26 : Almeida (ou ce qu’il en reste). 7 h 00 (Idem en heure locale). Réveil, décongélation (encore), dépouillage.


Dimanche 26 : Almeida. 9 h 30. (J’arrête le décalage horaire me fait tromper). Distribution des cartouches. Cette fois-ci nous allons prendre la citadelle d’assaut. Sans leur poudrière, l’ennemi devrait être moins coriace.


Dimanche 26 : Almeida. 10 h 30. Rassemblement pour la levée des couleurs sur la place d’armes encombrée de gravas.


Dimanche 26 : Almeida. 11 h 30. Nous faisons face à la Porte Saint Antoine qui vient d’être capturée par surprise par une avant-garde ennemie. Rapidement, nous nous retrouvons face à la porte monumentale derrière laquelle les alliés se sont retranchés. Des moines fanatiques défroqués (ils n’ont rien sous leurs soutanes) se sont mêlés aux soldats. Ce ne sont pas des tendres ceux-là, ils nous tapent dessus à coup de crucifix, c’est pas fait pour ça ces trucs là !


Les tirs fusent de part et d’autre. C’est à ce moment précis que choisit mon flingot pour ne plus fonctionner. J’ai beau nettoyer le bassinet et farfouiller la lumière, rien n’y fait. Mon arme a été sabotée par un jaloux mesquin ! Je regarde l’Intriguant-Cadet qui fait mine de rien. Je décide immédiatement de garder à l’œil ce jeune conscrit !


Là, j’ai repompé le texte du commandant alors qu’il fait les yeux doux à une autre Portugaise nommée Fatima. (Quel dragueur !) « Notre division se forme en deux brigades, réparties de chaque côté de la route menant à la porte. Les voltigeurs et matelots de flottille, en tirailleurs, canardent tous ceux qui lèvent la tête en face. Les grenadiers du 34ème, suivis des Ouvriers, puis des fusiliers du 43ème se forment en colonne par six, face à la porte. Dès qu’elle sera tombée, tous chargeront à la baïonnette et s’engouffreront dans la citadelle. »


Les alliés tentent une sortie qui n’aboutit à rien d’autre que des cadavres de plus sur ce pont. Certains sont jetés par-dessus le parapet et finissent en miette au fond du fossé. Avec ce manque d’eau, ils sont à sec ! Après une fusillade terrible le bouchon saute enfin. Nous chargeons sur l’ennemi qui recule. Sortent alors du rang deux officiers Portugais. Après quelques politesses la victoire, dans l’honneur, est à nous !


Dimanche 26 : Almeida. 13 h 00. Descente des couleurs dans les ruines de la citadelle et dans l’émotion générale. La solde va être distribuée. Et bien non ! Une rumeur veut que le maréchal Masséna soit parti subitement avec un convoi de chariots sous bonne garde. Dans la minute notre Chef anciennement bien aimé disparaît dans un halo de lumière. Mais nous, nous ne laissons pas faire et en utilisant la ruse dite « du pantalon à rayure, c’est un code secret ! » nous le ramenons auprès de nous.


Dimanche 26 : Almeida. 13 h 30. Repas d’adieux à base tapas et de bière. La ville étant ravagée, le service est un peu lent, ce qui finit par agacer prodigieusement notre camarade Cataluna : « Faut pas 2 heures pour servir trois bières, madré de dios ! Qu’il dit ! ». Par chance le boire et le manger suivent rapidement pour soulager sa patience et sa panse.


Dimanche 26 : Almeida. 15 h 00. Préparation du départ.


Dimanche 26 : Almeida. 16 h 00. Après une petite attente et une grande inquiétude pour les chevaux, nous voyons notre charroi arriver. Il nous faut peu de temps pour nous effondrer dans les bras de Morphée, qui n’est pas à l’effectif.


Lundi 27 : place d’arme à Échillais. 8 h 00. Arrivée dans le bled du commandant, nous faisons nos adieux aux voltigeurs du 79ème de ligne et aux Fifres & Tambours d’Aunis Saintonge, puis chaque détachement de marine rejoint son dépôt secondaire respectif. Il me faudra bien deux heures de route de plus en carriole rapide, pour atteindre le dépôt de Nantes.



Veuillez trouver ici, Mon Commandant (Chéri !), la fin de mon rapport circonstancier et objectif sur notre campagne portugaise d’Almeida et les actions héroïques menées par ma seule personne contre un ennemi en nombre. J’espère que vous tiendrez compte, lors des prochaines promotions, de ce rapport et que vous le transmettrez, avec quelques annotations favorables, au colonel LAIR, commandant le corps à Anvers.



Gros bec : Geste affectueux sporadique* et adjacent* chez nos cousins du Quebec.


*Je ne sais ce que veulent dire ces jolis mots, mais dans l’contexte …




Votre très humble et obéissant …




Appointé caporal, ouvrier de 1ère classe :

Mieux Vaut Tard






Écrit : Sylvain dit "Mieux-Vaut-Tard"

Modifié : Daniel dit "Lumière Céleste"

Corrigé : La Royal et Main-Gauche



 

Extrait du Journal de marche de l’Ouvrier de 1ère classe, appointé caporal - aide fourrier Requiem, 1ère escouade, 2ème section, 2ème compagnie, du 8ème Bataillon d’Ouvriers Militaires de la Marine.

« Breton parti en quête du mojito parfait, en Portugal »

AN XVIII, 27 août.


Vendredi 24 Août : La Brigade de Marine, composée du 8ème Bataillon des Ouvriers Militaires de la Marine de Rochefort, dit aussi « Bataillon d’Espagne » (2ème Cie), ainsi que du 44ème Équipage de Flottille (5ème Cie) et du 3ème Régiment d'Artillerie de Marine (1er Bataillon, 1ère Cie), viennent de rentrer au dépôt d’Rochefort, après une 9ème campagne en Portugal. Elle fût éreintante mais assez divertissante en tout point. Je vais donc, Mon Commandant, vous narrer mes exploits. Je vous passe les préparatifs du départ, le voyage pittoresque et notre arrivée devant l’une des plus importantes places fortes du Portugal, que le corps d’armée du maréchal Ney assiège depuis peu. D’autres que moi ont déjà raconté ces épisodes là.


Almeida : A l’entrée de la porte monumentale San Fernando, Les ouvriers et matelots déchargent le matériels du charroi pour l’emmener sur le bivouac qui se trouve dans un bastion occupé par nos troupes. En ce qui me concerne, en tant qu’aide-fourrier, j’ai pour mission de transporter un trésor de guerre, c'est-à-dire un lot de bouteilles de bons vins Français, accessoires indispensables pour faire parler les prisonniers Portugais dont les officiers supérieurs les plus récalcitrants. Il s’agit là d’une technique typique de marin... (Voir le recrutement des hommes pour la Navy qu’on appelle la Presse). Ce système permet de délier les langues afin d’obtenir toutes sortes d’informations utiles au service. Vos adjoints ont utilisé cette méthode sur moi, juste avant que je mette une croix sur mon bulletin d’engagement pour … 30 ans d’service. Ce que je ne regrette pas mon cher commandant. Hélas, dans mon enthousiasme à vouloir réussir cette mission importante, une bouteille d’un bon vieux Cognac de derrière les fagots, a glissé du cageot et se brisa sur le sol. Rien qu’l’odeur de cette liqueur Charentaise envahie mes narines et m’étourdie un instant. Le soleil aidant, en quelques secondes, le fameux liquide fut absorbé par le sol et disparu, comme j’ose imaginer, ma prochaine promotion de sergent ! Quelle tragédie que de voir ce nectar étendu sur le sol alors qu'il aurait pu rincer l’gosier d'un brave homme de qualité tel que vous, Mon commandant ! Mais j’crois qu’vous buvez que de l’eau !

Notre campagne commençait par un désastre… sûrement un mauvais présage ! Espérons que non ! Le camp installé, les instructions données et le quartier libre autorisé par vous-même, plusieurs d'entre nous on suivi le Sergent-canonnier Tire-Bourre, vers une auberge locale, histoire de se remplir la panse. La gastronomie portugaise, étant tellement bonne, presqu’autant que la nôtre, qu’il nous faudrait peu de choses pour déserter, je plaisante, chef ! Mes papilles soldatesques ruissellent, rien que d'y repenser, surtout qu’nos plats étaient accompagnés de boissons alcoolisées au citron (C’est contre le scorbut qu’il a dit l’chirurgien major !). Ça rafraîchit tout de même les corps.

Plus tard, on voulu aller reluquer une sorte de musée où sont rassemblés les vestiges des sièges passés de la citadelle, comme ceux créés après la Révolution dans not' pays, chez nous aut’. Hélas ! Tristesse et désolation, la grille est fermée en cette journée d’siège, les sentinelles Portugaises ont fui. On décide alors d'y retourner le lendemain. D'ailleurs ! Parlons donc du second jour passé dans cette contrée désertique!


Samedi 25 août : Mon commandant, je n’vais pas vous raconter de nouveau c’que les aut’on dû noter dans leur carnet d’marche. Donc j’abrège ! Au camp, On se lève, on s’épouille, on s'habille, on défile devant la populace, on mange, puis, durant l’quartier libre, on va enfin voir c’te sorte de musée où sont empilés des vieilleries en morceaux telles que des bouts de canons et d’armements en miettes et une maquette de ce qui fut autrefois une belle citadelle, qu’un boulet, fondu en France, allait (Plus tard) presque faire disparaître de la surface de la terre. Not’ Tire-Bourre pleure à chaude larmes en voyant tous ces canons brisés, Y voudrait construire un mausolée pour les y enterrer tous dessous. Pauv’homme ! Plus loin, nous visitons ce qui fut une prison, dont les détenus se sont volatilisés, tout comme leurs pauvres gardiens, dispersés par l’explosion, façon puzzle, comme dirait l’autre ! Suivant les ruines de remparts du côté Français, bien entendu, not’sergent-canonnier Tire-Bourre tombe sur un canon, là tout seul, abandonné. Sentimental comme l’est ce brave terrien d’homme (J’ai pas dis Bouseux !), une larme coule sur sa joue et il nous dit : « J’va l’adopter, j’peux pas le laisser là, tout seul, à la portée de n’importe quel gamin en mal de jouets, y vont l’chipper ! ». Y s’met à nous gueuler d’su : « Réquisition ! Y s’ra pour l’artillerie d’Marine, emmenez moi ça, fissa fissa, bande de moules ! » On s’dit qu’il est taré, mais il ne nous laisse pas le choix, faudra l’balader en laisse avec des cordes, comme on balade un clébard, mais y fait deux tonnes le machin. J’me dis tout seul dans ma tête : Fuyez pauvres fous ! Comme dirait l'blanc barbu avec son bâtonnet de la même couleur que ses habits d’fortunes ! Mais l’sergent qu’est têtu comme un âne, à l’regard si perçant, digne d'un rottweiler (Type de chien qu’à une grosse tête pleine de dents pointues et quatre pattes, mais y a pas d’corps !), et son visage reflète le doux côté d'un bulldog (autre type de chien qui ressemble au premier, mais sans l’profil, car l’est tout plat devant !) qui laisse personne passer, pas même un taureau en furie.


A chaque fois qu'il tombait sur un canon en détresse, ses yeux d’bovins (c’te fois), s'illuminaient comme s’il voyait une crèche. On croyait y voir les flammes de l'Enfer en dedans, mais que nenni ! Bref ! On s’tâte le crâne pour ne pas faire le boulot qu’il nous ordonne et on recherche une solution pour qu’il oublie un peu ses joujoux. Après qu’il eut analysé en détail tous les canons isolés du coin, on attire son attention sur un estaminet où, lui dit-on, il y aurait d’aut’ canons, mais à boire c’te fois ! Comme il fait très chaud, le mot « canon » a suffi et il nous suit mécaniquement jusqu’au troquet. Parmi les boissons locales mortelles, sauf le Porto, j’goûte une boisson fraîche avec du rhum, assaisonnée à l’herbe à chat, un mojito, qui s’dit bêtement morRrito avec l’accent ! Ma Doue benniget ! Que j’me dis en Breton. C’est l’Saint-Graal en liquide qui m'est apparu. J’ai bu jusqu’à la dernière goutte de cette eau bénite. Ça m’a rappelé de vieux souvenirs avec, mais … Bref, c’est pas l’sujet !

Après cet arrêt rafraîchissant, nous faisons en sorte de détourner l’attention de not’ fol-dingo d’sergent-canonnier Tire-Bourre des canons orphelins isolés sur les remparts, et repartons vers le camp où les préparatifs de la prochaine bataille sont à faire.


Sur le bivouac, le tambour tambourine, on chausse nos paletots, mettons nos shakos sur nos caboches, prenons nos fusils sur les faisceaux, et les grenades à main… Ah non ! Pas de grenades, elles ne servent qu’à bord de nos vaisseaux ! J’ajuste mon sabre briquet. J’l’ai surnommé Jacques, il semble heureux mon fétiche, car il aime voir du pays mais plutôt en dedans des gens ! En rangs serrés, précédés de nos fanions d’compagnies flottants au vent, nous commençons à marcher. Arrivés sur le champ de bataille, face à l'ennemi, l’Commandant ordonne aux ouvriers de faire des barricades avec des chevaux de frise et bottes de paille prises aux paysans. Nous faisons des sortes de créneaux de chaque côté d’une pièce d’artillerie, tout cela sous les balles ennemies. On avance, on tire, on recule, ils retirent, et v’là qu'ils nous chargent à la baïonnette. Nous sommes tous des hommes vaillants, alors nous faisons pareil comme dans une Soule (sorte de rugby dans le sud ouest). Nous luttons plusieurs fois de la sorte, mais je ne sais pas c’qu’à piqué not' Sergent-canonnier Tire-Bourre et un Anglo-écossais en jupe. Une sorte de coup de foudre qu’il a eu pour cet individu en jupette (C’est ça d’être toujours seul à dormir !), Voila t’y pas qui s’prennent les bras par d'sus, par d'sous et qu’ils dansent une Gigue de Saint Guy comme en 1518 à Strasbourg. Sauf qu'ils n’sont pas morts au bout. On détourne le regard pensant qu’ces deux brutes allaient s’rouler un patin. Ouf ! Not’Dieu est là et les surveillent de près, quitte à en abattre un avec son arme. On s’dit qu’il faut arrêter là cette impossible idylle et nous arrachons not’ Tir-Bourre des bras d’son amoureux ennemi des Hautes-plaines. Ouf ! Qu’on s’dit, ils z’auraient pu s’accoupler en pleine bataille. Quelle horreur !

L’ennemi étant plus nombreux qu’nous aut’, on rebrousse chemin, tout en restant face en tête (C’est un terme militaire, cherchez pas !). Et là ! Et LA … ! Un homme, étendu sur le sol, émondié, mort et sans vie tué par la canne de not’chef, se relève devant nous et file droit vers les siens (L’ennemi, bien entendu !). Un fourbe d’Anglois qui faisait semblant d’être mort. A quoi il joue l'commandant ? Que j’me dis ! L’aurait pu taper plus fort !? Plus tard et après avoir étendus raides les artilleurs près de nous, deux écrevisses rouges se faufilent dans not' ligne, en douce, comme des anguilles, et prennent la fuite avec un … caisson d’poudre ! J’n’en crois pas mes yeux qu’ça puisse arriver au cours d’un combat, y sont malins et perfides ces rougeots. Pas le temps d’réfléchir sur cette britannique astuce, ils reviennent à la charge, et nous sommes de nouveau au contact, très au contact, puisque certains gestes manuels de mains velues pleines de doigts d’ces brutes épaisses semblent très affectifs à mon encontre. Bizarre, bizarre, que j’me dis, c’n’est pas l’moment ! Sans doute mes pectoraux proéminents d’athlète qui dépassent des baudriers. J’n’vais quand même pas porter une armure d’cuirassiers, mince alors ! J’dirais rien à not’commandant, car il ne me croira pas et voudra vérifier par lui-même. L’est comme Saint Thomas, il ne croit que ce qu’il voit ! Bref ! On s’bat au corps à corps, si j’puis dire ! D’un coup, Di diou, que j’me dis ! J’vois un sapeur écossais! Il a dans ses grosses paluches poilues une énorme hache, toute étincelante. Passionné qu’je suis par ce type d’armes à se fendre la gueule, j’me dis qu’il me la faut pour ma collection et qu’elle rejoindra ma Gisèle d’abordage qui aura enfin une grande sœur pour causer du « De Funès ». Vous voyez, Mon Commandant, on pense à n’importe quoi dans les combats, même les plus meurtriers. Le gars en jupe s’approche, j’quitte pas des yeux mon tranchant trésor, mais voilà qui s’met lui aussi à gigoter une Saint-Guy Strasbourgeoise et disparaît dans la fumée. Tant pis, j'irais en quérir une aut’ ailleurs, mais c’est dommage !


Toutefois ! On s’bat, mais on recule toujours et on fini par s’croire vaincus, mais on n’admet pas c’te défaite parce que crotte, zut, flute, merde alors ! On est normalement les plus forts ! Je regarde le champ de bataille qui est couvert de bonhommes morts ou blessés, mais aussi j’vois une quantité incroyable de petites taches blanches comme de la neige qui sont en faite des étuis de cartouches vides. On réuni les dernières bottes de paille et les barricades qu'on a du bouger plusieurs fois, pour protéger notre retraite. Je m’assois un moment pour souffler et regarder le ciel sombre, mais d’un coup, j’sors de ma léthargie, car un énorme bruit retentit, une sorte d’explosion qui fait trembler l’sol. Que se passe-t-il ? Les canonniers se regardent ahuris, et not’Long-Feu, qu’est là, près de nous, fait non d’la tête, c’n’est pas lui l’fautif de s’bordel cataclysmique ! Que j’me dis ! Alors c’est l’autre … l’Jean-cômien d’quartier-maître, mais, non ! Il est présent aussi et regarde vers Long-Feu ! La citadelle, ses remparts, ses canons, les maisons, l’église etc. tout vol et disparaît sous terre, dans un fracas et une lumière incandescente du Diable. Nous voilà frais ! On baisse la tête par réflexe, on s’regarde tous et on comprend qu’la poudrière de la citadelle vient d’sauter avec tout le village. Et là, on s’rend compte que nos troquets sont également partis en fumée. Merde en flaque ! Qu’on s’dit tous ! Nos mojitoooos ! Mon nectar inégalé, ma source de jouvence, ma divinité liquide, s’évapore là sous mes yeux écarquillés et rougis, et surtout ma gorge qu’est toute desséchée. Je rage, mais quel est l’abruti qu’à fait sauter la place ? Ça va s’payer chéro !

Bon, la fumée s’dissipe, l’ennemi est en vrac ou a disparu, faut maintenant renter au camp, s’il existe encore. Ouf ! Le bivouac est là. Faut s’coucher dans nos sacs à viande, mais l’ouvrier Mieux-Vaut-Tard et l’matelot Sans-Quartier n'arrêtent pas d'se chercher et continuent d’chahuter. Drôle d'idée à c’t’heure ! Y sont pas fatigués ces zèbres ! Ça s’calme enfin et on finit par s’endormir, car l’ repos du guerrier, c’est sacré.


Après tout cela, réveil aux aurores, il fait déjà bon, le soleil brille. Une partie de la citadelle a disparu, ça sent l’brûlé et ça fume encore d’aut’côté du village. On nous ordonne de nous vêtir en propre, voire en grande tenue pour ceux qui l’ont. Puis défilé jusqu'à une stèle où nous honorons tous les soldats tombés, Français et alliés, au cours de ce combat. Quelques restes d’unités Anglo-hispano-portugaises pris dans la place, ont été autorisés à conserver leurs armes. Après un beau discours de circonstance, nous faisons une superbe salve d’honneur. Ceux qu’on a enterrés s’en foutent complètement des discours ! On présente les armes et on s’en retourne au camp. Durant le chemin j’repense à ce pauv’soldat, marié à une cantinière nommée « Mari ou Marie », qui fût fusillé en 1811 pour avoir chapardé une … pendule. Alors que l’maréchal Masséna a fait main basse sur tout l’or des églises de la province. Y a pas d’justice dans s’bas monde ! La veuve Marie s’est vite remise de ses émotions et s’est r’mariée avec un fusilier d’la Jeune Garde. C’est la vie ! (Authentique)

V’là t’y pas qu’les alliés remettent ça et nous attaquent par surprise. Y sont tous dingos ces mecs ! La bataille recommence, les tirs de canons et de mousqueterie fusent de toutes parts. Le canon des fusils s'échauffent, j’appuie sur la détente et l’bassinet prend feu, BAM ! On s’rassemble et on pénètre par section dans la citadelle (Type Vauban à 12 branches par le bastion sud, que j’me dis dans ma tête ! Mais c’n’est vraiment pas l’moment d’faire de l’architecture militaire !). De nouvelles salves bruyantes sont tirées. Nos oreilles sifflent en raison des coups de canons à proximité. Nous continuons à avancer et traversons le pont-levis devant la porte San-Fernando. Du haut de cette porte monumentale, une poignée de prêtres en soutane écrue nous lance de l'eau … froide (Pas l’temps d’faire bouillir de l’huile, sans doute !) en nous traitant d’antéchrists et d’aut’mots gentils en portugais. Une telle cascade sur nos corps brûlants nous fait du bien et nous en redemandons. Ils restent perplexes sur leur méthode de combat. Certain reprennent le fusil, plus conforme pour nous émondier. L'Sergent dit que ça ne lui fait rien, qu'c'est comme chez moi, en Bretagne. Une légende dont tout le monde a entendu parler ! Sauf vous, Mon commandant qu’êtes pas Breton. La porte franchit, les alliés nous attendent de pieds fermes. Nous leur volons dans les plumes, les premiers rangs s’effondrent et les aut’ préfèrent arrêter les frais. Des officiers s’rencontrent, s’excusent mutuellement des dégâts fait chez l’adversaire et … s’embrassent, C’était bien la peine ! Que j’me dis !

Et c'est ainsi que se termine l'histoire d'un soldat… enfin pas tout à fait, disons Moi, Mon Commandant et j'compte bien revoir ce pays des mojitos sacrés, encore une fois !


Bon, Mon Commandant, j’vous exprimerai pas ma pensée sur le bal du vendredi soir, il n'y a rien à dire, à part que des dames étaient en robes longues, aux épaules découvertes et qu’des messieurs en uniforme tournaient autour. Un peu de paix dans s’monde de brutes repose des mœurs sauvages des Ecossais-filles qui parlent avec les mains comme les Italiens. Après cette « promenade de santé » en terre Lusitanienne nous reprenons la route de France sur un chariot rallongé transportant 57 bonhommes ou presque.


Gloire à nos différents pays et à vous même Oh ! Not’Chef bien aimé à tous !

L’Ouvrier de 1ère classe, Appointé-caporal & Aide-fourrier :

Requiem.

PS : Pour la chute de la bouteille de Cognac, j’m’excuse en espérant que ça ne nuira pas à mon avancement, car ça arrangerait bien l’appointé-caporal Mieux-Vaut-Tard, qui m’fait que des misères, pour avoir la place ! D’avance merci.

Écrit : Anaëlle dit Requiem

Modifié : Daniel dit "Lumière Céleste"

Corrigé : La Royale et Main Gauche

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