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Sortie de Gujan Mestras

Toouuuiiii, Toooouiiiiooouu, Toooouiiiiooouu, Toooouiiiiooouu, ToooouiiiiTIT !!!

Au son du sifflet du bosco, le pavillon est levé à la poupe de la Yole de Bantry (1) par le matelot « La Débrouille ». Commandant et matelots sont au « Garde-à-vous » sur le ponton afin d’honorer les couleurs nationales et impériales. Elles flottent désormais au vent qui se lève, annonçant le « flot » et donc bientôt suffisamment d’eau pour pouvoir appareiller. Nous sommes dans le port de Gujan-Mestras sur le Bassin d’Arcachon en ce mois de juillet.

L’équipage au presque complet (2) monte à bord de cette embarcation de 11 mètres de long et chacun prend sa place de « nage » sur son banc, le « chef de nage » au premier rang et le « patron » au gouvernail. La mission de ce jour, pour tous ces membres reconstitueurs de l’Association Napoléonienne Charentaise « Le Garde Chauvin » (Rochefort) est un entraînement à la rame. Il s’agit pour chaque matelot d’apprivoiser son aviron et les ordres donnés et de contribuer à la cohésion de l’équipage, indispensable aux manœuvres de tous genres.

Le patron fait préparer les avirons. Ceux-ci sont de longueurs différentes et il faut veiller à ce que chacun ait celui qui lui est destiné. Ils sont préalablement disposés sur le « plat bord », le long du bateau, la poignée au niveau de la « portière » de chaque banc. L’appareillage est relativement simple. Une fois le bateau libre de ses amarres, un matelot le fait « culer » et, lorsque l’ordre « Armez les avirons ! » est lancé, il ne reste plus qu’à faire glisser sa rame à la perpendiculaire de la coque en s’aidant du dos du matelot devant soi et en conservant l’appui du « plat bord ». Chacun s’applique à cette tâche qui doit être rapide et synchronisée afin d’éviter d’entrechoquer les « bois » et de rendre le bateau rapidement « manœuvrant » compte tenu de l’exigüité du plan d’eau dans le port.

A l’ordre « Scie tribord ! – Avant babord ! », les bras de tribord se plient, la poignée de l’aviron contre la poitrine et les bras de babord se tendent. Le patron donne la cadence et à chaque « Deux ! » qu’il scande, les pelles plongent dans l’eau. Les unes poussent, les autres tirent. Ainsi commence le lent pivot vers la droite de la yole. Puis une fois dans l’axe du chenal, au « Avant partout ! », chaque « nageur » pousse son bois devant lui et attend à nouveau le « Deux ! » pour plonger son aviron.

Une nouvelle cadence de route est donnée par le patron, chaque effort de rame fait s’ébrouer l’embarcation et le bruit régulier des pelles dans l’eau est une satisfaction pour tous. La synchronisation est trouvée et le patron crie « Cadence chef de nage ! ». Chaque matelot se cale alors sur le rythme du premier banc (voir plus haut) et la chaloupe armée a désormais fière allure.

L’océan offre de nombreux présents à l’homme ; l’air du large, l’horizon infini, les bruits du vent et des oiseaux de mer et il le berce de sa houle. C’est l’univers du marin dans lequel il se sent bien et libre. Aussi, en signe de respect et également pour remercier cet élément majestueux, généreux mais redoutable, chaque homme qui navigue ressent le besoin et l’obligation de faire toute chose de la meilleure manière qui soit.

C’est bien ce qui se passe à bord de la yole de Bantry en cet après-midi. Le patron observe les matelots qui ont retrouvé les gestes ancestraux et perçoit en eux un bonheur inavoué. Bien qu’attentifs à la position et aux mouvements de leur aviron, dans un silence absolu, ils regardent de droite et de gauche pour profiter du spectacle qui les entoure. Les mouettes piaillent au loin, les nuages préparent peu à peu le grain, les embruns volent et mouillent les têtes, la yole file bon train et les couleurs dansent dans le vent.

Une heure s’écoule ainsi au rythme régulier des rames immergées que l’on sort brusquement pour les replonger à nouveau. Mais « l’étale » est passé et il faut songer à rentrer au port afin d’avoir assez d’eau dans le chenal. Le patron manœuvre pour virer de bord et reprend la cadence, cette fois un peu plus soutenue. Les bras chauffent et les visages se tendent pour maintenir l’effort. En effet, une erre suffisante est nécessaire à la maniabilité de la yole dans le port. L’ordre « Lève rames ! » est donné. Les organismes se reposent enfin, les poignées des bois sont logées sous le pli des genoux. Mais le vent a forci et pousse finalement le bateau un peu trop vite vers le fond du chenal. Il faut la freiner et au « Pelles dans l’eau ! », tous doivent faire l’effort pour maintenir son bois dans l’eau sans être emportés par l’élan. L’embarcation s’immobilise peu à peu et peut maintenant être maîtrisée plus aisément.

La manœuvre d’accostage est toujours plus délicate surtout lorsque le ponton est perpendiculaire au chenal, comme dans notre cas. Il faut tenir compte de plusieurs paramètres pour réussir sa manœuvre ; la force du courant, la vitesse et la direction du vent et le temps de réponse de la yole dont l’inertie est importante. Le patron demande un « Avant partout » pour reprendre un peu d’erre et fait virer le bateau sur sa droite. Encore deux coups de rames puis c’est le « Parés à laisser courir ? Laissez courir ! ». Chaque nageur fait passer sa pelle au-dessus de lui et confie la poignée au matelot qui est derrière lui. Grâce à l’erre, les pelles qui flottent dans l’eau sont ramenées spontanément le long de la chaloupe qui est ainsi libre de s’infiltrer dans son étroit emplacement.

La manœuvre est réussie, le commandant et l’équipage sont satisfaits. Le bateau est opérationnel. Les avirons sont rangés au centre de la yole et l’ordre de débarquer est donné. Chacun pense déjà au futur. Il s’agira la prochaine fois de sortir à la voile et les manœuvres de virement de bord sur une yole à trois mats réservera certainement quelques surprises mais toujours sans altérer le moral de nos marins de la flotte impériale.

(1) La Yole de Bantry – Historique

En 1796, une flotte française fut envoyée en Irlande afin de soutenir les

illustration de la Frégate

irlandais dans leurs luttes contre les anglais. Le 21 décembre, une tempête se lève alors que la flotte a pu se rassembler à l’ouvert de la baie de Bantry. Elle dure deux jours et malmène les bateaux français. « Le Redoutable » entre en collision avec « La Résolue » qui perd sa mâture.

L’amiral Nielly à bord de ce dernier décide d’envoyer un canot demander une remorque à « L’Immortalité », au mouillage à vingt miles de là. Pour cette mission risquée, il choisit de faire mettre à l’eau sa yole personnelle. La tempête redoublant, la chaloupe est drossée à terre et doit faire côte près de la pointe Est de l’île de Bere.

L’équipage est fait prisonnier et la yole est récupérée par Richard White, chef des milices garde-côtes anglaises, qui la fait transporter dans sa propriété, à Seafield Park, où elle sera parfaitement conservée pendant 150 ans comme un trophée familial. Elle sera récupérée après la seconde guerre mondiale par le musée national maritime d’Irlande à Dun Laoghaire. Encore exposée à cet endroit, elle le plus vieux navire de la Marine française encore intact à ce jour. Une série moderne a été relancée pour, entre autres, un défi entre jeunes marins des deux bords de l'Atlantique (Atlantic Challenge).

(2) Un équipage complet comprend :

  • Le patron et un homme de barre. Le patron donne les ordres mais peut déléguer à l’homme de barre. Il est en tout cas présent pour représenter et assurer l’autorité à bord.

  • Deux brigadiers, un à la proue et un à la poupe. Ils se tiennent debout gaffe en main (au moins en parade, en eau calme, …). Ils interviennent principalement lors des manœuvres de départ et d’arrivée : Prendre un quai, « déborder », crocher une bouée, etc.

  • Dix hommes qui nagent en pointe. 5 hommes pour chacune des bordées tribord et babord.

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