Gendarmerie Maritime
I/- Prévôté et gendarmerie maritime :
1 / 1- Origine :
La Gendarmerie Maritime est issue du corps des prévôts et archers de la marine de l’Ancien Régime. Au XVII° siècle, l’institution se structure pour répondre à l’essor de la flotte royale et du trafic maritime en général. Dès le 7 février 1627, un prévôt général de la marine et des armées navales, assisté de lieutenants, greffiers et archers, se voit assigner « Le pouvoir de faire la police de la Marine, de saisir et juger les coupables, de connaître les crimes de piraterie et autres commis par les marins français » (Ordonnance du 29 août 1633). Le rôle des archers des prévôts de la mer, ancêtres des gendarmes maritimes est fixé par un édit de 1648. L’édit d’avril 1704, crée et érige une juridiction sous le nom de « Prévôté de la Marine » dans chacune des villes de Brest, Rochefort, Toulon, Marseille, Dunkerque, Le Havre, Port Louis et Bayonne. Cet édit et un précédant de 1673 posent les fondements juridiques de ce qui deviendra, à la Révolution, la Gendarmerie Maritime.
1 / 2 - Gendarmerie des ports et arsenaux :
Malgré la suppression de la Maréchaussée (Décret du 22 décembre 1790 et 16 février 1791), et des prévôts de la marine (Décret du 20 septembre 1791 et 12 octobre 1791), substitués, dans les ports, par des « brigades de gendarmerie destinées spécialement au service des arsenaux. Ces brigades incorporent les anciennes compagnies des prévôtés et forment un cadre spécial, couramment appelé gendarmerie maritime ».Elles sont donc maintenues dans leurs attributions jusqu’au 12 octobre de la même année, date à laquelle l’Assemblée Constituante les intègre avec leurs « archers » dans la Gendarmerie nationale ainsi rebaptisée. L’appellation officielle devient « Gendarmerie des ports et des arsenaux », plus communément appelée « Gendarmerie Maritime ».
Les archives du port de Rochefort font apparaître un « Etat de formation de deux brigades de la Gendarmerie Maritime au port de Rochefort, arrêté à Paris le 21 décembre 1792. Signé MONGE. » (SHM Rochefort, Série N)
1801-1815
Ces « Gendarmes nationaux maritimes » font l’objet d’un nouveau décret en date du 17 Vendémiaire an II (8 octobre 1793) relatif au nombre des « gendarmes employés au service du port de Brest ». Ces compagnies font partie des légions de Gendarmerie nationale dans les circonscriptions où siège leur commandement. Leur circonscription s’étend à tout l’arrondissement maritime. Hiérarchiquement, le commandant de compagnie est subordonné à celui de la légion, mais pour l’emploi, il est « sous les ordres » des préfets maritimes dont le corps a été créé par un arrêté du 1er Consul, le 17 floréal an VIII (27 avril 1800).
II/- Compagnies maritimes 1801 – 1815 :
2/1- Décret du 24 juillet 1801 :
Par ce décret on attribua une compagnie supplémentaire aux légions de Gendarmerie ayant dans leur arrondissement un grand port ou un arsenal maritime.
2/2- Arrêté des Consuls du 31 juillet 1801 :
Un arrêté des consuls du 12 Thermidor an IX (31 juillet 1801) constituant les légions de gendarmerie décide : « Il y aura 6 compagnies pour les légions qui auront dans leur arrondissement des grands ports ou arsenaux maritimes (Le Havre, Brest, Lorient, Rochefort, Anvers et Toulon), elles seront sous les ordres des préfets maritimes ». Elles sont chargées de l’exécution des règlements relatifs à la surveillance, garde et police de ces ports et arsenaux, mais aussi de l’inscription maritime. Elles seront sous les ordres des Préfets Maritimes et ne pourront, en totalité ou en partie, recevoir une destination différente qu’en exécution des ordres du gouvernement. (Titre 3, art 8)
Pour la formation des compagnies des ports et arsenaux, le Conseil ne recourra à la Gendarmerie de l’intérieur qu’après avoir placé dans lesdites compagnies tous les individus qui, faisant actuellement partie de la Gendarmerie Maritime, auront été désignés par les préfets maritimes respectifs comme réunissant les qualités et conditions exigées par les règlements relatifs à l’admission dans la Gendarmerie nationale. Le ministre de la marine donnera des ordres pour que cette désignation soit faite sans délai par les préfets, il en transmettra les résultats au ministre de la guerre. (Titre 5, art XXVII)
2/3-Force et composition de la Gendarmerie nationale :
1169 brigadiers à cheval dont 3 pour les ports et arsenaux maritimes.
254 maréchaux des logis, dont 10 pour la légion d’élite et 12 pour les ports et arsenaux maritimes.
506 brigadiers à pied dont 30 pour les ports et arsenaux maritimes.
1811 :
7ème Légion de Gendarmerie:
État Major
MATHIS, Colonel (OLH) à Bordeaux.
RIVAUD, Chef d’Escadron (CLH) à Bordeaux
Compagnie de la Charente inférieure :
DELORME, Capitaine (CLH) à La Rochelle.
BARILLIER, Sous Lieutenant Quartier Maître à La Rochelle.
GARRAUD, Lieutenant à La Rochelle.
DEMONTIS, Lieutenant à Saintes.
LEBRUN, Lieutenant à St Jean d’Angély.
III/- Missions :
Le règlement du 24 août 1803 fixe les différentes missions des gendarmes maritimes.
L’article 15 stipule :
« Les gendarmes maritimes sont tenus d’exécuter les ordres des préfets maritimes et des chefs militaires des ports, et de déférer aux réquisitions des officiers de l’administration de la marine, des officiers du génie chargés de diriger les travaux de construction, des commissaires de la marine chargés de l’armement et de l’inscription maritime, de ceux préposés à la police des chiourmes, du commissaire auditeur près la cour martiale maritime, des officiers chargés des mouvements et du parc d’artillerie, de tout inspecteur ou sous inspecteur de marine ».
L’article 16 précise :
« La Gendarmerie des ports et arsenaux doit fournir un poste d’honneur au préfet maritime de chaque arrondissement, qu’elle accompagne dans ses tournées et qu’elle assiste à ses publications et proclamations ».
L’article 19 indique :
Les sous officiers et gendarmes sont chargés d’observer les démarches des marins et « leurs habitudes dans les ports, afin de pouvoir reconnaître et d’arrêter les déserteurs », et de surveiller les abords des bagnes conformément aux instructions du Commissaire de marine préposé aux chiourmes.
L’Empire Français s’étendant, le décret impérial du 14 juin 1805 forme une compagnie maritime pour la garde du port et de l’arsenal de Gênes. Le 19 octobre 1808, son siège est transféré à La Spezzia, avec une lieutenance à Gênes et une autre à Livourne.
IV/- Organisation des unités de Gendarmerie Maritime :
AP: A pied.
AC : A cheval.
3/1 : Informations sur les compagnies:
1ère Compagnie : ANVERS, puis BOULOGNE en 1805 :
. Lieutenance à ANVERS (1809)
2ème Compagnie : Le HAVRE, puis CHERBOURG en 1810
. Lieutenance à CHERBOURG (1807)
En 1810, cette compagnie perd 2 brigades dont une à pied et l’autre à cheval.
3ème Compagnie : BREST :
4ème Compagnie : LORIENT :
5ème Compagnie : ROCHEFORT :
(7ème Légion, 13ème Escadron)
6ème Compagnie : TOULON :
Au 7 juin, la 6ème compagnie de Toulon compte 56 hommes, mais en réalité seuls 48 sont à l’effectif. Il manque 8 gendarmes dont 1 maréchal des logis (sa place est d’ailleurs vacante), 2 brigadiers et 5 gendarmes sur le point d’être réformés.
7ème Compagnies : GENES puis LA SPAZZIA :
L’Empire s’étendant, le décret impérial du 14 mai 1805 forme une compagnie maritime pour la garde du port et de l’arsenal de GENES. Le 19 octobre 1808, son siège est transféré à LA SPESSIA, avec une lieutenance à GENES et une autre à LIVOURNE.
En 1808, cette compagnie est à Gênes et se décompose en 8 « chefs lieux de quartier » : La Spezzia, Chavari, Gênes, Savone, Port Maurice, Livourne, Santo Stefano et l’île d’Elbe. Si 13 de ces brigades ont un gradé à leur tête, 14 autres n’en possèdent pas. Sur ce nombre, 13 unités n’ont que 2 gendarmes.
En 1810, on obtient pour cette compagnie, un nouveau total de 67 brigades dont 8 à cheval et 59 à pied.
8ème Compagnie : AMSTERDAM :
Un décret du 11 février 1813 organise cette compagnie à Amsterdam avec une lieutenance à Rotterdam.
En novembre 1813, l’évacuation de la Hollande par le général MOLITOR entraîne la dissolution de cette compagnie et le rapatriement des gendarmes français.
9ème Compagnie : HAMBOURG:
Le même décret 1813 crée une 9ème compagnie à Hambourg avec une lieutenance à Brême.
En 1810, les 7 compagnies comptent un nouveau total de 67 brigades dont 8 à cheval et 59 à pied.
3/2- Les officiers :
Toutes les compagnies ont à leur tête un capitaine en second et un lieutenant en second, sauf la 7ème compagnie qui à partir de 1808, a un deuxième lieutenant et un sous lieutenant quartier maître (trésorier). Le nombre des officiers est passé de 12 en 1801 à 14 en 1805, puis à 16 en 1808 pour atteindre 20 en 1813.
La Gendarmerie maritime a compté jusqu’à 53 officiers répartis en 16 capitaines en second, 30 lieutenants en second et 7 sous lieutenants quartier-maître.
Parmi ces officiers, 5 sont issus des corps de troupe et 10 de la Gendarmerie.
V/- La Restauration 1814 – 1815
L’ordonnance royale du 11 juillet 1814 ramène à 6, le nombre de compagnies maritimes. La 1ère demeure à Boulogne, la 2ème revient au Havre et les quatre autres conservent leur affectation d’origine : Brest, Lorient, Rochefort et Toulon. Au retour des Bourbons, l’ordonnance royale du 10 septembre 1815, ne modifie rien à cette organisation.
VI/- Uniformes.
Depuis 1791, la Gendarmerie Maritime porte le même uniforme et, en principe, le même bouton en étain avec le numéro de la légion. Cependant, les unités attachées à la Marine tiennent à leur originalité. Un arrêté particulier du 6 fructidor an XI (24 août 1803) relatif à l’administration, à la comptabilité et au service de la gendarmerie près les ports et arsenaux, qui maintient sa subordination aux préfets maritimes, et précise : « Les officiers, sous officiers et gendarmes des compagnies près les ports et arsenaux porteront le même uniforme que celui de la gendarmerie départementale, à cette différence que, sur le bouton, il sera substitué une ancre au numéro de la légion ». Il est inscrit sur pourtour supérieur du bouton « GENDARMERIE MARITIME ».
VII/- Armement :
Il se compose d’un mousqueton modèle an IX (1801) sans tringle ni anneau. D’une paire de pistolets de gendarmerie modèle an IX, mais dont l’embouchoir, la contre platine, le pontet et la calotte sont en laiton au lieu d’être en fer (Problème d’oxydation du au sel de mer).
La Gendarmerie des ports possède une arme particulière qui lui est propre. Il s’agit d’un sabre courbe dit « à l’oriental » avec un fourreau en cuir noirci à trois garnitures dorées et deux anneaux de bélière. Seule la poignée diffère entre officier et gendarme.
VIII/- Aigles & étendards :
Bien que distribuées au titre de l’armée, les Aigles des compagnies de la Gendarmerie Maritime peuvent s’évoquer avec celles des troupes de la marine, car c’est la seule fois que ces unités eurent un emblème distinct.
De 1804 à 1812 chaque compagnie possède une Aigle et un guidon du modèle 1804 de la cavalerie, avec l’inscription à l’avers :
L’EMPEREUR
DES FRANÇAIS
A LA COMPAGNIE DE
GENDARMERIE MARITIME DE ?
Au revers :
VALEUR ET DISCIPLINE
Les 6 compagnies créées en 1801 dont Anvers, bien que ce port ne fût alors qu’un Commissariat Maritime, Le Havre, Brest, Lorient, Rochefort et Toulon, reçurent leurs Aigles le 5 décembre 1804.
En 1805 est créé le 7ème Arrondissement Maritime à Gênes, et le 13 juin un décret forme pour lui une compagnie supplémentaire à la 28ème légion. Bien que comptant déjà 5 compagnies normales, cette légion ne reçut que deux Aigles.
L’Empereur songeait déjà à en restreindre le nombre. Une seule Aigle devait être donnée pour l’ensemble de la légion. L’autre pour la compagnie de Gendarmerie Maritime afin de la mettre sur le même pied que les autres compagnies similaires existantes.
En 1807, l’arrondissement de Gênes est transféré à la Spezzia ainsi que le siège de la compagnie de Gendarmerie afférente. Puis les travaux de Cherbourg permettent à des vaisseaux de ligne d’y séjourner en tout temps et la préfecture maritime abandonne Le Havre pour y établir son siège avec la compagnie qui lui est affectée. Comme pour Anvers, y a-t-il modification des inscriptions des guidons et changement des mots « Gênes » et « Le Havre » ? De cela nous ne trouvons aucune trace.
En 1809, apparaissent avec les 32ème et 34ème légions, les compagnies de Gendarmerie Maritime d’Amsterdam et Hambourg. Ces légions ne reçurent pas d’Aigle, car en 1805, il n’en fut pas remise aux légions numérotées de 30 à 34.
Seul, le guidon de la compagnie d’Anvers, dans l’ancienne collection Raoul et Jean BRUNON, subsiste de nos jours en France. Il reste cependant une énigme pour les chercheurs. En effet, le 1er Arrondissement maritime initialement à Calais fut transféré à Boulogne en 1801. Le siège de la compagnie de Gendarmerie d’Anvers y fut transféré et y resta même quand ce port devint arrondissement maritime. L’Aigle y fut-elle transférée avec un nouveau guidon ?
La Gendarmerie Maritime eut certainement 6 Aigles. Elles disparurent en 1812, quand les Aigles multiples de la Gendarmerie Impériale furent remplacées par l’Aigle unique de l’arme qui selon le décret du 25 décembre 1811 restait en permanence chez l’Inspecteur Général, alors le Maréchal MONCEY, duc de Conégliano.
IX/- Faits d’armes :
Les Gendarmes maritimes se signalent à l’occasion de quelques engagements glorieux. De 1803 à 1805.
. La 1ère compagnie affectée au port de Boulogne se distingue particulièrement, et lui vaut d’être citée dans l’ordre général du 5 mai 1804 du général MONCEY « Pour le zèle qu’elle apporte dans ses fonctions ».
En 1804, la 2ème compagnie du Havre, commandée par le Capitaine LEFEBVRE et le Lieutenant VILLARD, subie le bombardement de la marine anglaise sur LE HAVRE.
En 1813 – 1814, dans le nord de l’Europe, le Capitaine PINEL, le sous Lieutenant FEBVOTTE, le Lieutenant BILLOT et leurs gendarmes, prennent part à la défense de Hambourg, de Brême et d’Anvers, assiégées par les coalisés.
En 1814, dans le sud, un Maréchal des logis, un Brigadier et 10 gendarmes à pied de la 7ème compagnie de La spezzia, aux ordres du Lieutenant ROUX, participent activement à la défense de la ville de Gênes, investie par les forces ennemies.
X/- La Gendarmerie Maritime à Rochefort :
La caserne de la Gendarmerie au service de la Marine se trouvait Rue des Vermandois (Rue Emile COMBES), à l'angle de la rue des Mousses. Les écuries se trouvaient juste en face. Sous la Révolution, la caserne des gendarmes à pied, se trouvait à l’angle de la rue St Jacques et de la rue St Pierre.
Sources :
Adjudant Chef Raymond DUPLAN, conservateur du musée de la Gendarmerie (EOGN Melun) Revue d’études & d’informations de la Gendarmerie.
Drapeaux et étendards de la Révolution à l’Empire, P. CHARRIER Ed Copernic 1982.
Les Aigles Impériales 1804 - 1815, Gl Jean REGNAULT, Ed Peyronnet & Cie 1967.
Military flags of the World 1618 – 1900, Terence WISE & Guido ROSIGNOLI. Ed Blandforf Press Ltd 1977.
Napoleon’s Sea Soldiers: René CHARTRAND & Francis BACK. Ed Osprey N° 227 1990.
Service Historique de la Marine de Rochefort, Série N.
Le bouton uniforme Français de Louis FALLOU.
Illustrations: Daniel DIEU